Psychanalyste Annecy

Quand la Dépendance Affective devient Toxique pour la relation de Couple


Les personnes souffrant de dépendance affective peuvent avoir des difficultés relationnelles, et notamment dans leurs rapports amoureux. Il s’agit d’une sphère très intime où la tendresse et l’affection y ont une grande place. C’est un terrain propice pour faire ressortir les fragilités émotionnelles des dépendants affectifs, dont le risque d’hyper attachement. Cette tendance que développe le dépendant affectif en couple peut rendre la relation toxique pour l’un comme pour l’autre.

C’est le cas de cette histoire qui est arrivée à l’une de mes patientes.

Lorsque *Marie découvre que son époux la trompe, elle est complètement détruite. Pourtant, elle ne peut se résoudre à le quitter malgré l’incongruité de la double vie que mène *Éric et va préférer plonger leur couple dans un tourbillon infernal d’emprise et de sentiments.

Marie est l’illustration d’une pathologie que peuvent rencontrer des gens de votre entourage ou vous-même : la dépendance affective. Bien comprendre ce trouble ainsi que l’influence qu’il exerce dans le rapport amoureux est important pour se protéger de ses conséquences toxiques.

Attiré par l'odeur corporelle de sa compagne

1/ Qu'est-ce qui cause une dépendance affective ?

Pour comprendre le comportement d’un dépendant affectif en couple, il est intéressant de plonger dans son passé et découvrir l’origine de ses blessures.

Une blessure d’abandon à vif

Les personnes dépendantes souffrent en fait d’une blessure d’abandon virulente. Cette blessure naît d’un manque affectif, d’une carence ou d’une défaillance liée à l’absence, qu’elle soit émotionnelle ou physique, d’un proche pendant l’enfance. La présence est très importante dans le développement d’un enfant, parce qu’elle permet d’offrir l’attention et l’affection dont il a besoin. Alors, lorsqu’un parent n’est pas assez présent pour son enfant, celui-ci peut le vivre comme un véritable abandon affectif. Ce manque d’amour pendant l’enfance provoquera ensuite une recherche d’affection constante dans sa vie d’adulte.

Il n’est d’ailleurs pas nécessaire de vivre un réel abandon pour souffrir d’une blessure affective. Certains évènements peuvent être traumatiques pour un enfant, comme :

  • la perte d’un parent, ou d’un proche;
  • un placement en internat ;
  • l’absence émotionnelle d’un parent peu démonstratif ;
  • l’arrivée d’un deuxième enfant dans la famille qui vient bouleverser la place de l’aîné ;
  • etc.

Ce n’est pas toujours un événement marquant. Cela peut être également une succession d’actes et de ressentis qui réactivent la blessure d’abandon et finissent par créer un trouble de la dépendance affective

Dans cet extrait de conversation, Marie et sa sœur parlent de leur mère et de ce qu’elle leur a fait subir :

« — Elle nous a abandonnées, Marie. Tu avais un an et moi sept ans. Quelle mère digne de ce nom peut faire ça ? […] 

— […] Mais ne pas savoir qui elle est me manque. Ignorer qui est mon père me manque. C’est comme s’il manquait un bout de moi pour faire un être complet, tu comprends ? » 

Un attachement désorganisé dès l'enfance

Saviez-vous que notre capacité à créer des relations saines dépend de l’attention que nous avons reçue étant petit ? Le psychiatre John Bowlby nous explique au travers de sa théorie de l’attachement que les très jeunes enfants ont des besoins affectifs très importants dans leur développement. Pour les combler, le bébé va reconnaître la personne qui lui donne des soins physiques comme une figure d’attachement principale. Il va lui communiquer ses mal-êtres physiques et émotionnels pour qu’elle lui porte de l’attention et le rassure. L’adulte doit se montrer présent, disponible et bienveillant avec l’enfant pour réussir à combler son besoin émotionnel.

Selon la qualité de la relation qui se crée avec la figure d’attachement, l’enfant se construit des représentations mentales qui lui permettent de se sécuriser émotionnellement. Les études relèvent 4 profils d’attachements qui apparaissent chez les jeunes enfants :

  • modèle d’attachement sécure : lorsque le besoin d’attachement est suffisamment comblé, l’enfant est assez confiant pour explorer le monde de façon autonome. Ce sont souvent des enfants qui arrivent à tisser des relations saines avec leur entourage une fois adulte.
  • modèle d’attachement insécure anxieux-évitant : avec un modèle d’attachement plus fragile, l’enfant va douter de lui et avoir peur de l’inconnu. L’anxieux-évitant a l’habitude que sa figure d’attachement ne réponde pas présent à ses sollicitations, il va donc se détacher émotionnellement des autres et taire ses besoins.
  • modèle d’attachement insécure ambivalent : lorsque le donneur de soin ne réagit pas de façon constante aux signaux de détresse de l’enfant, celui-ci exprime de façon exagéré ses besoins affectifs. Lorsqu’il est seul, il est très anxieux et peu autonome. Il demande beaucoup d’attention et a du mal à se calmer en cas de crise.
  • modèle d’attachement désorganisé : ce cas le plus extrême d’attachement insécurisant. Il apparaît souvent chez les enfants victimes de maltraitance, de traumatisme ou d’abandon. Ils ont souvent peur de leur donneur de soin et ne savent pas comment demander de l’attention. Leur comportement est désorganisé et confus lorsqu’ils communiquent.

Quant aux dépendants affectifs, ils ont souvent grandi avec un modèle d’attachement défaillant. Pendant l’enfance, leur figure primaire sont souvent absent ou distant et ne comblent pas leur besoin d’attachement. Ils ne peuvent pas se forger d’autonomie et restent dépendants de la personne qui s’occupe d’eux. Cette insécurité vécue dans leur première relation va continuer une fois adulte et rend le rapport à l’autre compliqué.

Une difficulté à se forger une bonne estime de soi

moment tendresse entre une maman et son fils

Le manque d’affection dans l’enfance à aussi pour conséquence de créer une faible estime de soi chez les dépendants affectifs. Pour le psychologue Donald Winnicott, l’amour des parents est très important dans le développement de l’image de soi. Porter de l’affection à un enfant permet de lui donner une sensation de satisfaction et de plaisir qu’il intègre comme une réalité produite par lui-même.

Il construit grâce à cette expérience une bonne estime de lui-même. Il pourra ainsi se détacher de sa mère avec une solide confiance en soi qui lui permettra de prendre son indépendance.

En cas d’abandon affectif, l’enfant n’expérimente pas ce sentiment de bien-être et ne développe pas son estime de soi. « Si on ne s’intéresse pas à moi, c’est que je ne mérite pas

d’être aimé pour qui je suis » se dit le petit délaissé. Il va alors avoir tendance à se dévaloriser ou à rechercher l’approbation continuelle des autres. Il aura également tendance à s’adapter de façon excessive aux besoins de son environnement.

Son manque d’estime de soi l’empêche de s’aimer par lui-même convenablement. C’est ainsi que se développe le besoin maladif de chercher continuellement la validation et la reconnaissance des autres pour se sentir exister. Et vous le savez sans doute, l’estime de soi est fondamentale pour parvenir à un épanouissement personnel et relationnel.

2/ Quel est le comportement d'un dépendant affectif en couple ?

En réponse à ses traumatismes, un dépendant affectif a besoin de beaucoup d’attention dans son rapport amoureux.

Créer une relation fusionnelle pour garder l'autre à soi

Le trouble de la dépendance affective est une réelle addiction pour celui qui en souffre. Le dépendant ressentira un besoin permanent de contact et de preuves d’amour de la part de son compagnon / sa compagne et subira un manque terrible lors de son absence. Il peut chercher à maintenir un lien perpétuel avec sa moitié en continuant de l’appeler ou de lui envoyer des messages lorsqu’il n’est pas là.

Ce très fort attachement est dû à la difficulté pour un dépendant affectif de se retrouver seul. La solitude l’effraie car elle le renvoie au vide béant de son égo. Dans la relation amoureuse, le conjoint est idéalisé comme étant celui qui détient la clé de son bonheur.

Pour illustrer ce propos, je vous propose un extrait de cette conversation comment Marie perçoit son époux :

« La jeune femme voudrait s’assurer qu’elle le possède, qu’il lui appartient, qu’il ne lui échappera pas. Son cœur se serre, asséché, rabougri à l’idée qu’il puisse la quitter. La vie de Marie dépend avant tout de celle de son époux. Se savoir aimée, du moins avoir l’illusion d’être aimée, est tout ce qui lui importe. Se frotter une fois de plus à l’abandon est impensable pour elle. » 

Vouloir plaire à tout prix à son partenaire

Les dépendants affectifs aiment paraître parfaits aux yeux de l’autre pour le garder près d’eux. Ces personnes semblent souvent très gentilles, elles ont tendance à se plier en 4 pour faire plaisir et se font souvent passer en dernier. Elles agissent de la sorte, consciemment ou pas, pour recevoir l’amour des autres dont elles ont tant besoin.

Mais ces personnes sont surtout dans le sacrifice d’elles-mêmes, délaissant leurs propres envies pour faire passer celles de l’autre avant. Elles n’osent pas s’imposer dans le couple par peur que cela ne soit pas assez bien. Les choix de l’autre sembleront toujours préférables à leurs volontés propres. Leur peur panique de l’abandon peut même leur faire accepter des situations, comportements avec lesquels elles sont opposées pour pouvoir rester avec l’être aimé, parfois quitte à en souffrir.

Demander beaucoup de validations de la part de son compagnon

Un dépendant affectif, qui se sous-estime énormément, aura un besoin permanent que l’autre valide ses choix et ses actions. Si ces dernières ne sont pas en adéquation avec la volonté de son conjoint, il préfèrera les modifier de lui-même. Il lui sera très compliqué d’avoir une opinion forte et de la défendre face aux gens.

D’une façon générale, les personnes qui souffrent de dépendance affective sont très soumises au regard de l’autre. Elles ont besoin d’une validation extérieure quasi-permanente pour exister, car elles ont du mal à se représenter par elles-mêmes. Il leur est plus facile de se voir dans le regard de l’autre que de se penser par eux-mêmes.

Rendez-vous compte de la contrainte que cela représente au quotidien et de la souffrance que cela engendre ?

3/ Quelles conséquences négatives la dépendance affective peut-elle causer dans une relation amoureuse ?

Certains comportements chez le dépendant affectif peuvent créer des schémas néfastes pour la relation. Je vous propose de voir ensemble quelles peuvent être ces complications.

La mise en place d'une relation toxique

Une présence étouffante

Les dépendants affectifs, meurtris par une blessure d’abandon, ont une peur bleue de voir leur compagnon les délaisser. Pour se rassurer, ils passent beaucoup de temps avec l’autre et empiètent parfois sur leur espace personnel. Il n’est pas rare qu’ils utilisent des mécanismes d’emprise émotionnelle ou de manipulation pour garder l’autre près d’eux. Ils peuvent, par exemple, se victimiser et jouer avec la tristesse pour faire culpabiliser leur partenaire. Tu imagines bien que cela est pesant pour le conjoint.

De la jalousie

Comme ce sont des personnes très possessives qui souhaitent une relation exclusive avec leur époux, ils sont aussi très jaloux. Terrifiés à l’idée de perdre leur moitié, ils se méfient énormément des autres qui peuvent potentiellement leur voler la personne chère à leurs yeux. Ils leur est d’autant plus compliqué de faire confiance qu’ils se pensent moins bon que la moyenne. Un dépendant affectif peut donc limiter ou interdire son compagnon de sortir et de voir d’autres personnes.

De l’infidélité

L’attitude contrôlante du dépendant peut provoquer des tensions voire un éloignement dans le couple alors que c’est pourtant ce qu’il souhaite éviter à tout prix. Son attitude étouffante peut finalement pousser son partenaire à lui être infidèle. Si cela arrive, alors le dépendant préfère souvent pardonner que de se séparer. C’est le cas lorsque Marie découvre que son mari la trompe, elle préfère le partager et souffrir plutôt que de le perdre.

Des crises de colère

N’imaginez pas que le dépendant est une personne soumise qui ne réagit jamais. Il peut tout à fait s’énerver lorsque l’autre ne répond pas à ses besoins affectifs 

  • si son compagnon ne lui offre pas assez d’attention ou s’il sent un éloignement dont il n’est pas la cause, son insécurité prend le dessus et il se sentira blessé, comme abandonné de nouveau. Il en voudra à l’autre de ne pas être assez présent et de ne pas le satisfaire assez.
  • en cas de reproche sur son attitude, il peut ne pas comprendre sur quoi on l’attaque. Comme il vit perpétuellement dans le don de soi, il a l’impression de faire déjà beaucoup d’efforts.
  • lors d’une rupture définitive, la séparation peut provoquer de vives réactions. La perte de l’autre lui semble insupportable, puisqu’elle le ramène à sa solitude qu’il souhaite éviter plus que tout.

Vivre sans jamais être tout à fait comblé en amour

Incapable d’être heureux tout seul

Le dépendant affectif ne s’aime pas beaucoup et à du mal à se sentir bien avec lui-même. Il porte en lui l’espoir que sa relation puisse lui apporter cet amour qu’il a tant de mal à trouver. Son partenaire aura beau multiplier les attentions et les démonstrations d’amour, c’est avant tout de l’amour pour lui-même dont il manque. Peu importe les efforts qu’il fera dans la relation, il aura l’impression que son conjoint n’en fait jamais assez. Il est difficile d’être heureux dans l’illusion que son propre bonheur dépend de quelqu’un d’autre.

Difficulté à recevoir des marques d’attention

D’autre part, un dépendant affectif a beaucoup de mal à accueillir un compliment ou une attention qui lui serait adressée. Il n’a pas l’impression de les mériter et ne se sent pas digne de les recevoir, dû à sa très faible estime de lui-même. Il devient alors très compliqué pour le partenaire de satisfaire l’appétit émotionnel de son conjoint, car celui-ci est bloqué dans une quête d’amour sans fin.

Se soigner pour pouvoir aimer

Il est tout de même possible de se soigner de la dépendance affective pour assainir son couple. Comme toute pathologie, il existe des solutions pour aller mieux. Il est important de se faire aider par un médecin, un psychologue ou un psychiatre pour débuter un accompagnement.

La thérapie consiste généralement à réaliser un travail sur soi pour apprendre à s’aimer. Il s’agira principalement de comprendre et d’apaiser les traumatismes passés ainsi que d’apprendre à apprécier les moments seul avec soi-même. Il faut aimer autant l’autre que soi pour que le couple soit équilibré. C’est la meilleure manière de desserrer son emprise sur son conjoint et espérer vivre une relation plus saine.

 

*Les noms ont été modifiés pour protéger l'anonymat.

Par le Cabinet Caring In-Spire, Psychologue Annecy, Psychothérapeute et Psychanalyste

 

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